L'aveugle-né, l'aventurier de la foi

Saint Jean chapitre 9

Qui ne connaissait l’aveugle-né pour mendier ? Tout le monde le créditait d’un coup d’œil habitué. Et voilà que le vagabond de Dieu, toujours de passage, le désinstallé, le jamais habitué à la misère inévitable ou méritée, voit lui aussi l’homme qui souffre, exclu à cause de son handicap. Il nous faut lire la Parole de manière non habituée, pour voir ces petites différences, insignifiantes en apparence et pourtant capitales. Jésus ne voit pas d'abord un paralysé, la samaritaine, le paralysé, le… il s’adresse à l’être humain. C’est lui, stimulé par la parole  de celui qui se fait son frère humain, qui trouvera en lui les ressources pour se lever, marcher… et devenir témoin. Tandis que les disciples font de la théologie, de la mauvaise théologie sur le pourquoi du mal, Jésus voit le Père à l’œuvre dans la vie des hommes, s’engage et nous engage tous à faire rayonner sa gloire au cœur des misères de ce monde. « Il nous faut réaliser l’action de celui qui m’a envoyé. » C’est bien par « nous », tous ensemble, Corps du Christ, qu’il est aujourd’hui la Lumière du monde.

Il cracha sur le sol… fit de la boue… et envoie l’homme se laver à la piscine de Siloé… Ces quelques mots résument le miracle. Le sens de ces images est limpide : la poussière du sol.. l’eau… la boue... C’est bien le geste créateur de Dieu qui est actualisé ici, continué, accompli. En faveur de l’homme. En qui Dieu veut faire resplendir sa gloire.
Dieu se préoccupe sans cesse de l’œuvre de sa création, soucieux de son achèvement et de la participation de l’homme à cette réussite. Est-ce là le sens du geste par lequel l’homme est envoyé se laver… enlever les boues, nettoyer les scories accumulées par le péché et ainsi permettre à la lumière de se manifester ?

Chose surprenante maintenant, et unique dans l’Evangile : Jésus, ayant réalisé l’œuvre de Dieu, disparaît de la scène. Il laisse sa place à l’homme guéri qui va pouvoir prendre toute sa stature. Il est vraiment étonnant, cet homme ! Tellement plus dynamique que l’homme qui s’est levé à Bethsatha ! Il sait raconter ce qui lui est arrivé en toute circonstance. Avec humour et courage, il témoigne quel que soit le risque avec une spontanéité, une ouverture, une intelligence, une audace incroyables. Si nous ne nous sentions pas trop concernés par son retour à la vue, nous voilà, je pense, complètement dans le bain. Cette histoire est la nôtre parce que cet homme est la figure du témoin que nous devons être.
« Est-ce bien toi qui as été guéri ? » - « Ego eimi », « je le suis », « c’est moi » : l’expression même de Jésus quand il est interrogé lors de son arrestation. Etrangement, profondément, l’homme guéri se trouve identifié à ce Jésus arrêté. Comme lui, il entre dans la nuit de la Passion, insulté, mis à la porte, abandonné par ses proches. C’est dans cette identification que celui qu’il ne connaît pas devient quelqu’un, un prophète, puis, le Seigneur.

Quel est exactement cet itinéraire de foi qu’il nous faut faire, nous aussi, pour devenir témoins ? Il nous faut cesser de nous reposer dans un savoir qui enferme le monde et Dieu dans un cadre trop étroit… Laisser parler les événements, y voir simplement la manifestation de Dieu, y entendre la Bonne Nouvelle d’un Dieu à l’œuvre dans sa création. Alors, chaque jour, et particulièrement le sabbat, devient jour de libération, temps favorable pour participer à la création nouvelle.
Celui qui a été courageusement témoin de ce qui lui est arrivé est maintenant prêt à voir, à reconnaître, non pas avec les yeux de la chair, mais avec les yeux du cœur, le Seigneur de la Vie.
C’est lui qui nous dit : « lève-toi », « marche », « suis-moi ».

P. Jean-Pierre

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