Le baggersee, une affaire de graviers

Le plan d’eau du Baggersee qui attire les baigneurs durant la belle saison est ainsi dénommé en raison de sa vocation originelle comme gravière, une exploitation de galets et de sables utilisés comme matériaux de construction. En effet, en allemand, le verbe baggern signifie creuser, excaver. La plaine d’Alsace est émaillée de centaines de gravières abandonnées ou en activité, où les graviers sont dragués jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de profondeur. Certaines gravières sont occupées par des plans d’eau, d’autres demeurent hors d’eau. D’où proviennent les graviers en aussi grande abondance ? d’où provient l’eau du Baggersee ?
La réponse fait appel aux durées géologiques qui ont façonné l’Alsace au fil du temps. La plaine rhénane est un fossé appelé rift dont le fond, en s’affaissant depuis des millions d’années, constitue un réceptacle pour les alluvions transportées par les cours d’eau. Il en est ainsi du Rhin qui apporte des galets et des sables issus de l’érosion des reliefs alpins. S’y ajoutent, dans une moindre mesure, les alluvions des rivières descendant du massif vosgien et de la Forêt Noire. Au cours du dernier million d’années de l’histoire, les apports accumulés, crue après crue, se trouvent à l’origine d’un important matelas d’alluvions épais de 75 m à la hauteur de Strasbourg, mais atteignant 250 m près de Neuf-Brisach.
Les graviers, un mélange de sables et de galets, constituent un matériau poreux dont les interstices sont remplis d’eau. Telle est l’origine de la nappe phréatique rhénane, la plus importante réserve d’eau potable d’Europe occidentale, dont profitent les hommes et les cultures.
L’eau provient des pluies, de la fonte de la neige et des infiltrations à partir des cours d’eau. Elle est naturellement filtrée au fil de son lent écoulement dans le sous-sol et fournit aux consommateurs une eau d’excellente qualité, bactériologiquement pure. Lorsque les travaux d’excavation atteignent une certaine profondeur, l’eau de la nappe phréatique est libérée et affleure dans les gravières à l’instar du Baggersee. Avec un risque évident : au contact de l’air, elle devient vulnérable car aisément polluée par les activités humaines. Aussi des mesures sévères sont-elles prises pour assurer la protection de ce patrimoine inestimable.
Après cessation de leur activité économique, des gravières peuvent être reconverties en lieux de baignade à l’exemple du Baggersee. D’autres, en revanche, moins fréquentées, se révèlent autant de refuges pour une faune et une flore aquatiques d’une extrême diversité.
En dernière analyse, si on a pu affirmer que l’Egypte est le don du Nil, on peut dire que l’Alsace est le don du Rhin.

 

Jean-Claude Gall

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